Ma pratique naît de l'intuition - cette sensation fugace saisie dans la déambulation solitaire, cette graine d'idée qui demande à germer. Mais elle ne prend forme que dans la rencontre, quand l'étrangeté du lieu se mue en familiarité, quand je cesse d'être visiteur pour devenir, temporairement, habitant. Cette transformation nécessite du temps - des semaines parfois - pour que se révèlent les dynamiques invisibles, les histoires tues, les possibles enfouis.
L'acte créatif oscille perpétuellement entre contemplation et célébration collective. D'un côté, cette fascination pour les échelles vertigineuses - traduire l'immensité alpine dans un grain de sable, révéler l'univers dans une flaque d'eau. De l'autre, cette conviction que l'art doit générer de la joie partagée, créer des espaces où les différences deviennent richesses, où s'inventent des grammaires visuelles métissées. Les conversations deviennent alors matrices de projets participatifs, tandis que l'observation silencieuse nourrit les atmosphères, les matières, les résonances sensibles.
Ce qui me guide, c'est cette urgence de transmettre des outils de décentrement - apprendre à voir sa propre culture depuis l'extérieur, cultiver la générosité du regard, célébrer les bonheurs simples du vivre-ensemble. Les années chinoises m'ont enseigné cette plasticité du regard : découvrir qu'une esthétique peut valoriser le fade plutôt que l'intense, le vide plutôt que le plein, la continuité plutôt que la rupture. Cette leçon d'humilité face à la multiplicité des façons d'être au monde irrigue chaque projet.
Je suis hanté par les histoires oubliées - ces civilisations dont les structures défient encore notre compréhension, ces voix qui ne se sont pas fait entendre, cette préhistoire où mythe et réalité se confondent. Dans chaque lieu investi, je cherche ces strates enfouies, ces mémoires qui attendent d'être réactivées. L'art devient alors archéologie sensible, exhumant non des objets mais des possibilités de présent différent.
Depuis la pandémie, ma pratique s'est libérée de certaines autocensures. Assumer les vérités inconfortables, les envies contradictoires, les élans que notre société préfère taire. Cette sincérité nouvelle se traduit par des formes plus directes, des dispositifs qui osent la simplicité quand elle sert la rencontre, la complexité quand elle révèle nos interdépendances. L'enseignement m'a appris que les sources de culture sont infinies, que de nouvelles émergent constamment - rester poreux à l'inconnu, même quand il semble d'abord inintéressant, devient acte de résistance créative.
我的实践源于直觉——在独自漫步中捕捉的短暂感觉,那颗需要萌发的想法种子。但它只有通过相遇才能成形,当地方的陌生感转变为熟悉,当我不再是访客而成为临时的居民。这种转变需要时间——有时是几周——让无形的动态、沉默的故事、埋藏的可能性显现出来。
创作行为在沉思和集体庆典之间不断摆动。一方面,对令人眩晕的尺度着迷——在一粒沙中转译阿尔卑斯的浩瀚,在水坑中揭示宇宙。另一方面,坚信艺术必须产生共享的快乐,创造差异成为财富的空间,发明混合的视觉语法。对话因此成为参与性项目的母体,而无声的观察滋养着氛围、材料和敏感的共鸣。
引导我的是传递去中心化工具的紧迫性——学习从外部看待自己的文化,培养目光的慷慨,庆祝共同生活的简单快乐。在中国的岁月教会了我这种视觉的可塑性:发现一种美学可以重视平淡而非强烈,空而非满,连续而非断裂。面对世界存在方式的多样性,这种谦逊的教训灌溉着每个项目。
我被遗忘的故事所萦绕——那些结构仍然挑战我们理解的文明,那些没有被听到的声音,神话与现实融合的史前时代。在每个投入的地方,我寻找这些被埋葬的地层,这些等待被重新激活的记忆。艺术因此成为敏感的考古学,挖掘的不是物体而是不同现在的可能性。
自疫情以来,我的实践从某些自我审查中解放出来。承担不舒服的真相,矛盾的欲望,我们的社会更愿意沉默的冲动。这种新的真诚转化为更直接的形式,当它服务于相遇时敢于简单的装置,当它揭示我们的相互依存时敢于复杂。教学教会了我文化的源泉是无限的,新的源泉不断涌现——对未知保持多孔性,即使它起初看起来无趣,也成为创造性抵抗的行为。
My practice springs from intuition - that fleeting sensation caught in solitary wandering, that seed of an idea demanding to germinate. But it only takes form through encounter, when the strangeness of place transforms into familiarity, when I cease being visitor to become, temporarily, inhabitant. This transformation requires time - weeks sometimes - for invisible dynamics, silenced stories, buried possibilities to reveal themselves.
The creative act perpetually oscillates between contemplation and collective celebration. On one hand, this fascination with vertiginous scales - translating alpine immensity in a grain of sand, revealing the universe in a puddle. On the other, this conviction that art must generate shared joy, create spaces where differences become riches, where hybrid visual grammars are invented. Conversations then become matrices for participatory projects, while silent observation nourishes atmospheres, materials, sensitive resonances.
What guides me is this urgency to transmit tools for decentering - learning to see one's own culture from outside, cultivating generosity of gaze, celebrating simple joys of living together. The Chinese years taught me this plasticity of vision: discovering that an aesthetic can value the bland over the intense, emptiness over fullness, continuity over rupture. This lesson of humility facing the multiplicity of ways of being in the world irrigates each project.
I am haunted by forgotten stories - civilizations whose structures still defy our understanding, voices that were not heard, that prehistory where myth and reality merge. In each invested place, I seek these buried strata, these memories waiting to be reactivated. Art becomes sensitive archaeology, exhuming not objects but possibilities for a different present.
Since the pandemic, my practice has freed itself from certain self-censorship. Assuming uncomfortable truths, contradictory desires, impulses our society prefers to silence. This new sincerity translates into more direct forms, devices that dare simplicity when it serves encounter, complexity when it reveals our interdependencies. Teaching taught me that sources of culture are infinite, that new ones constantly emerge - remaining porous to the unknown, even when it first seems uninteresting, becomes an act of creative resistance.